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L'homunculus,
la création alchimique d'un être
Auteurs : Attila et Aude, le 9 mars 2008
1. L'origine historique
La création de la vie sans passer par la reproduction sexuelle classique est un rêve très ancien. Elle n’a pas attendu l’apparition de notre science moderne pour germer dans l’esprit de nombreux philosophes et rêveurs. Cette ambition de l’homme d’œuvrer comme Dieu, d’avoir la toute- puissance sur la vie, est inhérente à notre espèce. Un des procédés employés pour cette tentative est la création alchimique d'un être au sein de l’alambic : l’homunculus.
Ce terme provient du latin, c'est un diminutif d'« homo » (homme) et nous pouvons l'interpréter comme « petit homme ». Le terme d'homonculus ou homunculus, traduit en français par homoncule ou homuncule, signifie selon le dictionnaire Larousse un « petit être sans corps, sans pesanteur, sans sexe et doué d'un pouvoir surnaturel, que les sorciers prétendaient fabriquer ». « Amatus Lusitanus est un des premiers qui aient parlé de l'homunculus. Il assure avoir vu, dans une fiole, un petit homme, long d'un pouce, que Julius Camillus avait fabriqué par les procédés alchimiques. » (Louis Figuier, L'alchimie et les alchimistes).
Dans son De natura rerum (Paracelsi opera omnia medico chimico chirurgica, Tome II), Paracelse présente l’homunculus comme la création d’un être vivant hors du corps de la femme. Voici ce qu'il en dit :
« Mais il ne faut pas oublier de parler de la formation des homunculi. Il y a dans ce fait un fond de vérité quoiqu'il soit longtemps demeuré secret, qu'on l'ait fortement mis en doute, et que l'on ait beaucoup discuté chez quelques anciens philosophes, la question de savoir si la nature et l'art nous donnent les moyens de produire l'homme en dehors du corps de la femme. Pour moi, j'affirme que ce moyen n'est point au-dessus de l'art spagyrique, qu'il ne répugne point à la nature, et qu'il est même parfaitement possible.
Voici comment il faut procéder pour y parvenir : Renfermez pendant quarante jours, dans un alambic, de la liqueur spermatique d'homme ; qu'elle s'y putréfie comme un ventre de cheval en décomposition et jusqu'à ce qu'elle commence à vivre et à se mouvoir, ce qu'il est facile de reconnaître. Après ce temps, il apparaîtra une forme semblable à celle d'un homme, mais transparente et presque sans substance. Si après cela, on nourrit tous les jours ce jeune produit, prudemment et soigneusement avec du sang humain, et qu'on le conserve pendant quarante semaines à une chaleur constamment égale à celle du ventre d'un cheval, ce produit devient un vrai et vivant enfant, avec tous ses membres, comme celui qui est né de la femme, et seulement beaucoup plus petit. C'est là ce que nous appelons l'homunculus. Il faut l'élever avec beaucoup de diligence et de soins jusqu'à ce qu'il grandisse et commence à manifester de l'intelligence.
C'est là un des plus grands secrets que Dieu ait révélés à l'homme mortel et pécheur. C'est là un miracle, un des plus grands résultats de la puissance de Dieu, un secret au-dessus de tous les secrets et qui mérite de se conserver jusqu'à l'époque suprême où rien ne sera plus caché pour nous, etc.
Quoique ce secret ait toujours été ignoré des hommes, il a été connu de toute antiquité des Faunes, des Nymphes et des Géants, et c'est même de là que ces êtres tirent leur origine. Car si quelques-uns de ces homunculi arrivent jusqu'à l'âge viril, ils deviennent ces géants, ces pygmées et ces hommes prodigieux qui sont les instruments des grandes actions, qui remportent sur leurs ennemis des victoires signalées et qui pénètrent le secret des choses les plus cachées. C'est que l'art leur ayant donné la vie, l'art leur donne aussi le corps, la chair, le sang et les os. Étant nés par l'art, ils ont l'art infus et incorporé à eux-mêmes ; aussi n'a-t-on rien à leur apprendre ; bien plus c'est à eux d'enseigner aux autres, car ils procèdent de l'art, et subsistent par l'art comme une rose ou une fleur dans un jardin ; on les appelle fils des satyres et des nymphes, parce que leur génie les élève au-dessus des hommes et les rapproche des esprits. »
2. L'analyse d'un point de vue magique : la création d'un élémentaire
L’alchimie a systématiquement voilé ses connaissances sous des allégories et des symboles, et ce texte de Paracelse est certainement imagé. L'enfant créé et nourri dans l'alambic évoque bien sûr le Mercure, l'enfant ailé sous la forme duquel les alchimistes représentaient l’esprit volatil des métaux ou la substance subtile qui pénètre les mixtes (corps composés). Cet enfant est traditionnellement le fruit du couple alchimique que forment les deux polarités du Soleil et de la Lune, du Feu et de l'Eau, polarités symbolisées ici par le sperme et le sang. Cela rejoint la vision de Raymond Lulle qui définit l’homuncule comme étant l'embryon métallique, l’Enfant Hermaphrodite, fruit du Soleil et de la Lune, c'est-à-dire la Pierre des philosophes ou la Pierre des Sages.
Figure tirée du Donum Dei. Nous y voyons dans le bas du vase le couple Soleil-Lune s'accoupler, regardé par les quatre éléments, et dans le haut du vase s'élève l'esprit du Mercure. |
Tout texte a toujours plusieurs degrés de lecture. Pour nous, l'extrait de Paracelse que nous avons cité plus haut peut être interprété comme la description de la création et du développement d'un être vivant, non pas physique ou chimique mais énergétique. Cette vision n'est bien sûr que notre lecture personnelle de ce texte et nous ne prétendons pas que ce soit réellement ce que Paracelse ait voulu dire par là.
En lisant cet extrait sur l'homunculus, nous avons immédiatement pensé qu'il pourrait s'agir d'un élémentaire. Les élémentaires sont des entités astrales très primitives qui, au fil de leur évolution, deviendront des êtres plus élaborés (des esprits de la nature, des humains, etc.). L'occultisme explique comment créer soi-même un tel être, comment le nourrir, le développer et l'éduquer afin de l'utiliser comme un serviteur.
Il existe différentes méthodes de construction d'un élémentaire mais les principes sont toujours identiques. Il s'agit de créer un corps subtil en projetant de la conscience et de l'énergie dans une forme déterminée, de lui donner un nom et des qualités en analogie avec la fonction à laquelle vous désirez ensuite l'utiliser, et de le conserver soigneusement à l'abri en le liant à un objet ou un lieu physique où il « habite ». Cet être basique doit ensuite être alimenté régulièrement et le mage doit lui expliquer fréquemment ce qui est attendu de lui avant qu'il puisse être envoyé en mission. Ces principes très simples peuvent être déclinés de diverses manières : certains mages créent leur élémentaire en lui donnant la forme d'un objet consacré auquel ils le lient et qui devient leur « corps physique », d'autres lui donnent une image et des propriétés correspondant à l'humain, d'autres encore le constituent suivant les quatre éléments, etc.
Il y a plusieurs éléments dans le texte de Paracelse qui nous font penser à la création d'un élémentaire. Tout d'abord, il mentionne que les esprits de la nature (les faunes, les nymphes, les géants, etc.) tirent leur origine de là et que, lorsque ces homonculi atteignent l'âge adulte, ils deviennent des esprits de la nature. Or, certains occultistes enseignent effectivement que de telles entités ont été des élémentaires au début de leur existence, ce qui soutient notre interprétation de l'homunculus comme un élémentaire. De plus, les esprits de la nature sont des êtres vivants analogues à l'humain par de nombreux aspects mais qui ne sont pas en chair et en os. Comme leur nom l'indique, ce sont des esprits, des entités vivant dans les plans subtils bien qu'elles puissent agir également sur la matière. L'homunculus ne serait donc pas forcément un être de chair mais pourrait être un esprit, comme les élémentaires.
En outre, un certain nombre des recommandations données par Paracelse pour élaborer l'homuncule évoquent les principes de la création et du développement d'un élémentaire :
- L'homuncule a une forme spécifiée (humaine), ce qui est une des nécessités dans la création d'un élémentaire.
- L'homuncule est constitué à partir du sperme de l'homme et nourri à partir du sang humain. De nombreux mages utilisent ces deux substances vitales très énergétiques pour alimenter leurs élémentaires ou leurs égrégores.
- L'homuncule doit être nourri tous les jours pendant au moins quarante semaines. De même, l'élémentaire ne peut être utilisé qu'après avoir été alimenté régulièrement car sa force et son action dépendent de ses qualités et de la puissance de son énergie.
- L'homuncule doit être élevé jusqu'à ce qu'il grandisse et commence à manifester de l'intelligence. Avant d'être envoyé en mission, l'élémentaire doit, quant à lui, avoir été formé par le mage qui lui a fréquemment expliqué ses fonctions et qui lui a donné les qualités nécessaires, notamment l'intelligence.
- Paracelse ne donne aucune directive sur la manière de libérer cet enfant de l’alambic, ce qui peut laisser entendre qu'il doit y demeurer car il se nourrit de la substance placée dans celui-ci. C'est en tout cas ce qui se passe pour l'homuncule de Joseph-François Borri, un alchimiste milanais de la moitié du XVIIe : « Il parvint à un tel point à gagner la confiance du roi, qu'il réussit à lui persuader une insigne folie. Borri prétendait avoir à son service un démon qui apparaissait à son évocation et qui lui dictait les opérations nécessaires à accomplir pour opérer les transmutations. Cet esprit, qui répondait au nom d'Homonculus, arrivait au commandement de son maître, lorsque celui-ci prononçait certaines syllabes mystérieuses. Pour avoir son alchimiste tout à fait sous la main, le roi décida que le laboratoire de Borri serait transporté dans son château. Mais l'adepte assurait que le pouvoir de son démon serait anéanti si on tentait de le séparer d'un immense fourneau de fer et de briques qu'il avait fait bâtir pour servir de demeure à l'homonculus. » (Louis Figuier, L'alchimie et les alchimistes). Ce lien entre l'homunculus et l'alambic ou l'athanor nous rappelle étrangement l'objet ou le lieu physique dans lequel l'élémentaire « habite », voire même le corps physique que certains mages créent pour leur élémentaire, corps qu'il peut quitter pour vaquer à certaines occupations, à l'image de l'homme qui peut s'extraire de son corps matériel sous la forme de ses corps subtils.
D’après notre expérience dans l’élaboration de divers élémentaires, le procédé décrit par Paracelse peut être utilisé pour créer une forme de vie astrale très dense et très énergétique. En effet, l’énergie sexuelle, qui est déjà dense, est accouplée à celle du sang, cet autre puissant condensateur d'énergie auquel la magie et la sorcellerie font si souvent appel. Un élémentaire créé et alimenté ainsi peut être très manifeste et proche de notre plan d’existence, bien qu'il ne soit pas matériel.
3. Les principes utilisés
Analysons maintenant le procédé pratique donné par Paracelse et les principes occultes auxquels il fait appel pour créer la vie.
3.1. L'analogie entre l'enfant et l'homunculus
« (...) ce produit devient un vrai et vivant enfant, avec tous ses membres, comme celui qui est né de la femme, et seulement beaucoup plus petit ».
L'homunculus créé par Paracelse est un « petit homme », un être vivant formé à l'image de l'humain. Il est donc logique qu'il le réalise en suivant un procédé de génération analogue à celui d'un bébé, qu'il le nourrisse et qu'il l'éduque. Toutes ces analogies entre l'homuncule et l'enfant soulignent l'idée que la création de cette vie est une procréation et un enfantement, que l'alchimiste s'identifie au Dieu créateur.
Aristote |
Paracelse « mime » la création d'un embryon en plaçant de la liqueur spermatique humaine dans l'alambic. L’homunculus est le fruit de l’union de deux principes, le sperme (qui est la semence mâle de l’être, l'impulsion vitale masculine) et l’alambic (qui est la matrice féminine, le vase représentant le ventre maternel ou la terre nourricière). Il faut comprendre la science médicale du XVIe siècle pour se représenter la vision procréatrice de Paracelse. A cette époque, on considérait que le sperme renfermait à lui seul la forme de l’être humain et que la femme ne jouait qu’un rôle de matrice et de nourricière du sperme et de l’embryon.
Cette vision de la reproduction date de l’Antiquité et plus particulièrement de l’enseignement d’Aristote (384–322 avant J.-C.). Aristote pensait que la femme était inférieure à l’homme car elle ne pouvait pas produire le sperme, réceptacle de l’entièreté de l’humain. Il considérait que l’homme apportait la substance de l’être humain (l’âme) et que la femme apportait seulement la nourriture (la matière).
Cette vision de la procréation explique sans doute le fait que Paracelse n'inclut que le sperme masculin dans l'alambic et qu'il n'y introduit aucune semence féminine. Le sang dont est ensuite nourri l'homuncule représente dans cette optique l'alimentation du foetus par la mère. Actuellement, nous pouvons toujours retrouver la correspondance entre le procédé décrit par Paracelse et la procréation en considérant l'alambic non seulement comme la matrice maternelle mais également comme l'ovule fécondé par le sperme.
3.2. La putréfaction du sperme
« Renfermez pendant quarante jours, dans un alambic, de la liqueur spermatique d'homme ; qu'elle s'y putréfie comme un ventre de cheval en décomposition et jusqu'à ce qu'elle commence à vivre et à se mouvoir, ce qu'il est facile de reconnaître. »
Le sperme placé dans l'alambic y est enfermé pendant quarante jours de manière à ce qu'il s'y putréfie et qu'on perçoive dans l'alambic une forme de vie, c'est-à-dire que l'enveloppe physique du sperme se décompose et que l’énergie créatrice qui y était contenue se dégage et soit perceptible. La putréfaction est une des opérations alchimiques les plus importantes. Associée à la mort et à l'oeuvre au noir, elle consiste à dissoudre, liquéfier et détruire la forme de la matière par sa propre chaleur interne ou par une chaleur externe appliquée sur elle de manière continuelle et non excessive sinon elle réduirait le corps en cendres. Paracelse emploie l'image du cheval qui symbolise dans l’allégorie alchimique les parties volatiles de la matière et l'élément Air mais aussi le sperme-semence de l'or, le vase ou le corps mercuriel renfermant cet or au moment de la putréfaction. Selon Dom Pernety, le « ventre du cheval » désigne que la matière de l’œuvre est au noir, c'est-à-dire en putréfaction ; la naissance n'est-elle pas une mort et la génération une putréfaction ?
Cette putréfaction du sperme rappelle également le principe utilisé dans l'élaboration de certains élixirs alchimiques ou spagyriques où l'on fait macérer les plantes dans de l'eau ou de l'alcool, à température ambiante ou à une chaleur modérée mais continue. L’alcool y est utilisé comme dissolvant afin d'extraire de la substance ses principes actifs et son essence ; il est appelé par les alchimistes le « feu liquide » car il possède le pouvoir de dissoudre par un feu doux, d'ouvrir le corps de la matière pour en libérer l'esprit volatil, de réduire la substance à sa plus simple expression. L'alcool a aussi la capacité d'emmagasiner cette substance et de la préserver. Cette analogie entre la création de l'homunculus et celle d'élixirs végétaux n'est d'ailleurs pas étonnante vu que Paracelse était alchimiste et qu'il est à l'origine de la spagyrie.
Dans son explication, Paracelse parle de « liqueur spermatique », ce qui peut désigner simplement le liquide spermatique mais pourrait aussi signifier un mélange de sperme et d’alcool ou de sperme et d'eau.
3.3. L'élaboration de la forme
« Après ce temps, il apparaîtra une forme semblable à celle d'un homme, mais transparente et presque sans substance. »
Illustration du Mutus Liber (Le livre muet) |
La liqueur spermatique se putréfie durant quarante jours. Elle se décompose et libère son énergie, qui devrait apparaître sous une forme humanoïde selon la description donnée par Paracelse. Cette forme peut s'expliquer de deux manières. D'une part, l'énergie contenue dans le sperme correspond analogiquement à celle d'un homme et elle peut donc apparaître sous cette forme à un clairvoyant. D'autre part, l’énergie du sperme est plastique : elle peut, comme toute énergie, adopter la forme voulue et imaginée par le mage.
Si donc l'alchimiste cherche à donner vie à un être à la ressemblance de l'homme, il façonnera naturellement, par la puissance de sa volonté et de son imagination, l'énergie dégagée par le sperme en regardant ou contemplant la substance présente dans l'alambic. Il lui donnera la forme d'un enfant ou d'un adulte. En effet, la volonté d'un occultiste meut et dirige le flux d'énergie alors que son imagination sculpte ce fluide astral pour lui donner la forme désirée. Ce processus est naturel mais, dans le cas de la création d'un élémentaire, il est préférable que l'alchimiste visualise précisément la forme qu'il désire lui donner lorsqu'il contemple la liqueur spermatique se putréfier pendant les quarante jours. Il doit imaginer ou voir en esprit que l'énergie présente dans l'alambic se densifie et se condense sous une apparence humaine.
A ce stade du processus, après les quarante jours de putréfaction et de formation, l'alchimiste possède un embryon d'élémentaire qui a une forme (humaine) et un lieu d'existence ou un corps physique (l'alambic contenant la liqueur spermatique putréfiée). Il est encore transparent et presque sans substance car il n'a pas encore été alimenté. Paracelse ne le mentionne pas mais, s'il s'agit d'un élémentaire, l'alchimiste devrait aussi lui avoir donné un nom et des qualités. Peut-être l'appelle-t-il simplement homunculus ou ne juge-t-il pas nécessaire de préciser un point évident puisque ce petit homme est un enfant et que tout enfant reçoit un nom à sa naissance. Quant à ses qualités, elles sont probablement également implicites puisqu'il nous dit plus loin qu'il doit manifester de l'intelligence.
3.4. L'alimentation par le sang
« Si après cela, on nourrit tous les jours ce jeune produit, prudemment et soigneusement avec du sang humain (...). »
Une fois les quarante jours écoulés, c'est-à-dire lorsque l'homuncule est créé et formé, l'alchimiste doit l'alimenter pour le développer, le matérialiser et le rendre plus puissant. Pour transformer cet embryon en un être suffisamment mûr que pour agir selon les désirs de son créateur, il faut le nourrir d'énergie et Paracelse indique de se servir du sang. Cette substance est le réceptacle de la vie en l'homme et c'est elle qui diffuse cette énergie dans tout l'organisme. C'est le symbole de la vie animale, le véhicule de l’énergie vitale de l’être, qui renferme en lui la force nécessaire à alimenter un corps vivant. En raison de sa puissance énergétique, le sang est utilisé dans de nombreuses pratiques occultes, par exemple lors de rites sacrificiels, pour nourrir des élémentaires ou des égrégores, afin de donner plus de poids à un engagement ou une action magique, etc.
Durant quarante semaines, du sang est ajouté au sperme en décomposition et l'énergie présente dans l'alambic se densifie de plus en plus. Nous voyons donc que Paracelse utilise deux substances principales dans la formation de son homunculus : la semence et le sang, ces principes mêmes de la vie et de sa potentialité. Ces deux substances nous rappellent les deux polarités. Le sperme est blanc comme l’Eau (symbole du pôle négatif) et le sang rouge comme le Feu (image de la polarité positive). Mais leurs rôles indiquent que c'est le sperme qui représente l'énergie masculine et solaire et le sang l'énergie féminine et lunaire de l'homuncule. Le sperme possède l'énergie de l'impulsion et de la création (pôle positif) et il est utilisé comme semence première, alors que le sang est le vecteur de l'énergie vitale et nourricière (pôle négatif) qui sert à alimenter l'élémentaire.
Paracelse indique également que l'homuncule doit être nourri prudemment et soigneusement. En effet, l'élémentaire est à l'image de l'homme. Il est comme un enfant qu'il faut alimenter régulièrement, pour lui donner l'énergie nécessaire pour grandir, mais sans excès pour ne pas le rendre malade. L'alchimiste se doit donc d'agir avec mesure et prudence afin de maintenir une cohésion dans les énergies du petit être et de ne pas le déstabiliser par des charges inadaptées à son développement. L’alimentation en sang humain de l’homunculus doit être constante et progressive, comme le feu de l’athanor. En outre, en donnant un peu de sang à l'élémentaire tous les jours, il doit imaginer que ce sang nourrit de sa force l'embryon, qu'il l'aide à mûrir et qu'il le rend plus puissant.
Comme l'indique Paracelse, c'est seulement après quarante semaines (environ neuf mois) d'alimentation par le sang que l'homunculus devient complet et possède « tous ses membres ». Cela témoigne d'une correspondance supplémentaire entre l'homunculus et le foetus humain.
3.5. La chaleur constante
« (...) et qu'on le conserve pendant quarante semaines à une chaleur constamment égale à celle du ventre d'un cheval (...). »
Une fois l'embryon formé, cet « œuf » fécondé (l'alambic contenant une forme semblable à celle d'un homme) est mis en gestation durant quarante semaines (soit à peu près neuf mois), à une température égale à celle du ventre d’un cheval. Nous avons dit plus haut que le cheval est lié à l'oeuvre au noir. En outre, la température normale du cheval est de 37,5° à 38,5°C et elle est donc similaire à celle de l’homme. La température de son ventre doit également avoisiner celle du ventre de la femme, ce qui nous indique une analogie de plus entre la production de l'homunculus et l'enfantement humain. De plus, certains alchimistes considéraient le ventre de la femme comme un athanor ou un alambic, une matrice créatrice du Mercure des Sages. Des illustrations alchimiques montrent l’alambic chauffé au sein de la Terre, celle-ci étant considérée comme féminine et comme la Mère de la Vie.
Le texte de Paracelse indique également que la chaleur doit rester constante et égale. De brusques changements de température pourraient en effet perturber l'énergie de l'alambic et trop de chaleur pourrait brûler la substance ou évaporer le corps de l'élémentaire. La nécessité d'un feu constant, dont l'augmentation de température doit être progressive et graduelle, est d'ailleurs une des caractéristiques souvent mentionnées en alchimie.
3.6. L'éducation de l'homunculus
« Il faut l'élever avec beaucoup de diligence et de soins jusqu'à ce qu'il grandisse et commence à manifester de l'intelligence. »
Paracelse nous dit que la créature obtenue par l'alchimie est comme un véritable enfant et qu'il faut agir avec elle en l'éduquant et en l'élevant comme tel. Cette idée est tout à fait analogue à celle enjoignant à l'occultiste d'éduquer l'élémentaire pour l'instruire et lui expliquer tout ce dont il aura besoin pour accomplir les tâches qui lui seront ensuite demandées. L'occultisme mentionne aussi que l'élémentaire doit obéissance au mage qui représente par rapport à lui l'autorité et le Dieu créateur lui-même. Cette autorité sur l'élémentaire s'impose car celui-ci est un esprit qui peut agir sans devoir passer par le physique et qui peut donc se séparer de l'alambic sauf s'il a été convenu dès sa création qu'il est lié à celui-ci et ne peut pas survivre s'il n'y revient pas régulièrement. Sans cette autorité du mage sur sa création, il ne pourrait pas se faire obéir du « petit homme » et le rappeler une fois sa mission accomplie.
4. A titre d’information
Dans cet article, nous avons considéré la signification du mot homunculus que Paracelse nous donne dans son De natura rerum mais ce n'est pas la seule interprétation de ce mot. L'homuncule étant un diminutif de l'homme, il peut représenter un grand nombre de concepts selon les auteurs et les contextes. Paracelse lui-même utilise par exemple ce mot dans un autre sens dans son Liber de Imaginibus (ch. XII, p. 502). Dans l'extrait ci-dessous qui est tiré de ce livre, l'homunculus est visiblement une figurine en terre, en cire ou en métal à l'effigie d'un humain et pouvant donc être qualifiée de « petit homme ». L'usage en est aussi très différent puisqu'il sert de dagyde pour des envoûtements, positifs ou non.
« Pour revenir aux homunculi et pour faire connaître brièvement notre pratique à cet égard, nous dirons ce qui suit. Il faut savoir qu'en général les fondements de toute science reposent dans trois espèces d'homunculus et de figures auxquelles appartient le privilège d'exécuter toute opération. On ne compte pas en effet plus de trois formes d'homunculus. La première est douée de tous les membres qui sont propres à l'homme. La seconde présente tout le corps de l'homme, mais elle a trois têtes et trois visages. La troisième a quatre têtes et quatre visages tournés vers les quatre points du monde. Mais tous les homunculi sont également formés de trois matières, de terre, de cire et de métal et pas d'autre chose. Voici à quoi sont bons les homunculi.
Si vous voulez vous en servir pour guérir un homme d'une maladie, il faut vous procurer son image, l'enduire de quelques corps gras, ... ou autre préparation analogue. Voulez-vous vous concilier l'amour, les bonnes grâces ou la faveur de quelqu'un ? Préparez deux homonculi qui se tendent mutuellement les mains, s'embrassent, se baisent et se donnent d'autres marques semblables d'amitié. S'il s'agit d'un absent que l'on veuille faire revenir à marche forcée d'un lieu très éloigné, faites parcourir à son image autant de milles marqués sur une roue qu'il en a à faire pour revenir au logis, en observant de mettre en mouvement l'image à partir d'un point qui figure le lieu d'où le voyageur doit revenir. Si vous voulez vous rendre invulnérable pour votre ennemi, faites composer votre image de fer et d'airain et durcissez-la comme une enclume. Si vous voulez lier votre ennemi, liez son image. Ces exemples suffiront pour enseigner à faire d'autres choses semblables. Quant aux homunculi et aux images que fabriquent les enchanteurs et les magiciens pour détruire, avec la permission de Dieu, les troupeaux, les hommes et les récoltes, nous n'aurons garde d'en parler à cause des grandes et funestes conséquences que pourraient avoir nos paroles. »
© Copyright 2008. Aude et Attila Markus. Tous droits réservés.
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